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 Et si on se disait « tu » ?

À un militant qui lui demandait « Je peux te tutoyer ? », François Mitterrand, alors premier secrétaire du PS, avait lâché un glacial « Si vous voulez ». Une anecdote qui en dit long sur un véritable casse-tête : que choisir entre le tu et le vous ? Quand passer de l’un à l’autre ?

 

Commençons déjà par comprendre d’où vient le passage du tutoiement au vouvoiement de politesse. Il remonterait à 293 après J-C, lors de la division de l’Empire romain en empire d'Orient et empire d'Occident par l'empereur Dioclétien. Chacun de ces empires était alors dirigé par un gouvernement composé d’un empereur et d’un proche conseiller. Quand l’un des souverains parlait au nom du gouvernement, il renonçait à l’ego, première personne du singulier en latin, pour le nos, première personne du pluriel, et on lui répondait par le vos, deuxième personne du pluriel.

Cet usage serait resté par la suite en signe de respect envers un détenteur de l'autorité dans toutes les langues indo-européennes, sauf l’anglais, qui ne fait pas de distinction entre le tu et le vous. Jusqu’au 18e siècle, la hiérarchisation des relations humaines, organisée autour du statut social des individus, ne permettait aucune ambiguïté : un mendiant ne pouvait tutoyer que ses semblables, un bourgeois vouvoyait un aristocrate, qui lui-même était tutoyé par un noble.

 

Un choix cornélien

Aujourd’hui, les choses sont plus compliquées. S’il est toujours d’usage d’employer le vouvoiement face à un inconnu, une personne âgée ou un supérieur hiérarchique, le tutoiement s’est développé. Dans son ouvrage intitulé « Le tu et le vous », Etienne Kern explique que ce dernier ne renvoie plus systématiquement à une logique d’infériorité, mais davantage à une volonté de marquer que l’on partage quelque chose : des liens de sang, une amitié, une profession. Et c’est là que le bât blesse !

Un collègue bien plus âgé qui demande à être tutoyé risque en effet de se vexer si l’on refuse, voyant là une marque de distance plus que de respect… A contrario, il n’est pas rare de voir certains s’offusquer de la généralisation du tutoiement sur les réseaux sociaux. Même si elle ne prend plus autant en compte l’origine sociale des individus, la hiérarchisation des relations humaines semble donc toujours de vigueur… et le dilemme entre le tu et le vous toujours d’actualité !

 

 

Claire Bouc

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